Etes-vous comme moi ? Lorsque vous adorez un livre, vous avez de suite envie de découvrir les autres œuvres de l'auteur ? Je dois dire que je fonctionne beaucoup ainsi, quand surgit un coup de coeur, immédiatement je file regarder si d'autres livres sont disponibles. Ici, ce fût le cas, j'ai adoré "Qui a mis des cheveux sur ma brosse à dents ?", j'ai donc recherché la production littéraire de Jerry Spinelli. "Stargirl" m'a interpellée, j'avais vu passer le livre, dans les sorties, il y a quelques mois, et ce sont les deux premiers tomes d'une précédente édition que j'ai finalement trouvé d'occasion. Pour "Oeuf", je me rappelais très bien le titre et la couverture, mais j'avoue que j'avais été rebutée par l'un et par l'autre et que je n'avais jamais cherché plus loin. J'ai été très surprise en voyant que c'était lui qui l'avait écrit et j'ai eu de la chance de le trouver très vite d'occasion également. Mais tout d'abord, je vous parlerais de mon préféré sur les 4, mon gros coup de coeur, je l'ai même relu 2 fois en 3 semaines...
Qui a mis des cheveux sur ma brosse à dents ?
Jerry Spinelli
Editions L'école des loisirs
Collection Medium
Grosso et Grandegueule sont frère et soeur. Elle ne s'appelle pas vraiment Grandegueule mais Megin, toutefois lui l'appelle ainsi. Il ne s'appelle pas Grosso mais Greg, pourtant elle l'appelle comme ça. Greg et Megin se déteste, dès qu'ils se croisent les coups pleuvent et les injures fusent.
Durant tout l'été, Greg a sculpté son corps, s'est fait bronzer, a soigné son apparence à l’extrême, tout ça en vue de la rentrée car il souhaite impressionner une jeune fille, Jennifer Wade. Mais malheureusement, le jour J, il apprend qu'elle a déménagé et changé de lycée. Grâce à une amie de la jeune fille, Sara, il pense pouvoir approcher sa belle. Mais Sara est amoureuse de lui et il va jouer avec ses sentiments.
En parallèle, Megin est un garçon manqué, qui ne pense qu'au sport sur glace et travaille dans une boutique de donuts en se faisant payer en gâteaux. Elle entretient depuis quelque temps une amitié avec une vieille femme de 89 ans, Emilie, qui ne se déplace qu'en fauteuil roulant, vit en maison de retraite et adore les donuts torsadés.
"_Emilie ? C'est comment, être vieux ?
Elle m'a donné une gentille tape sur les fesses, et j'ai grimacé.
_ Comment veux-tu que je le sache ? Je ne suis pas vieille."
Les relations entre Megin et Greg vont aller de pire en pire, jusqu'au jour où un événement va tout bouleverser.
Un énormissime coup de coeur !
Dès le départ le livre m'a énormément plu, à tel point que je doutais que cela puisse tenir à ce point jusqu'à la fin... mais si, j'ai adoré le récit de bout en bout. Bon, j'ai fini le roman en pleurant comme une madeleine (cela ne m'était pas arrivé depuis "Nos étoiles contraires" donc bien 6 mois), je ressors du livre avec le coeur tout chamallo.
Il s'agit d'un texte à deux voix, tour à tour le narrateur change, un chapitre nous avons le point de vue de Megin, l'autre celui de Greg.
Ce roman met en scène une relation frère-soeur remplie de haine, sans qu'au final, ni l'un ni l'autre ne sache très bien pourquoi.
Mais c'est aussi la plus belle histoire d'amitié entre une personne âgée et un enfant que j'ai lue. Le récit d'une aventure de la petite enfance d'Emilie m'a profondément marquée. De plus, c'est remarquablement écrit et tout se tient dans le récit, une phrase peut avoir une répercussion 100 pages plus loin.
Il y a un très bel équilibre dans les caractères des personnages, ce qui rend le livre sincère et juste. L'auteur excelle pour décrire les pensées d'un ado !
Megin avec ses frères, ses parents et parfois même avec ses amis, a une grosse tendance à se montrer peste. Par contre, lorsqu'il s'agit d'Emilie, la vieille femme à qui elle rend visite en maison de retraite, Megin laisse apparaître une jeune fille attentive, aimante et bienveillante.
Greg, c'est le contraire. Certes, avec Megin il peut être un peu pénible mais tout de même sa soeur dépasse plus les bornes et il est facile de prendre partie pour lui. Avec son petit frère et ses parents, il se montre normal. A contrario, avec les filles, il se révèle très goujat.
Le récit est bourré de trouvailles truculentes et d'humour. Pour être brève, c'est un beau roman, drôle, émouvant, en un mot : humain !
(Megin)
"_ Papa, arrête. Là. La brosse à dents.
_ Tu essaies de me dire que j'ai mauvaise haleine ?
_ Papa, regarde ! ais-je dit en lui plantant presque la brosse à dents dans l’œil. Regarde !
Il s'est reculé et a louché dessus.
_ Ah, oui. Qu'est-ce que c'est ?
Je trépignais sur l'asphalte.
_ C'est un poil ! Un énorme poil brun, horrible, abject !
_ Est-ce que tu essaies de me dire que tu as des poils qui poussent entre les dents ? Je croyais que la puberté se développait à d'autres endroits.
_ PAAPAAAAA !"
(Greg)
"Il n'y avait qu'une solution : l'haltère dans la main droite et le déodorant dans la gauche. A chaque série de trois, pschitt, pschitt. Les vingt cinq derniers mouvements ont été une vraie torture. J'avais commencé à avoir des rougeurs, mais mon aisselle s'est alors mise à me gratter, puis à me brûler. Une fois arrivé à cent, je me suis fait la promesse de ne jamais oublier ce jour, au cas où je développerais un cancer de l'aisselle dans vingt ans. Je raconterais aux médecins la fois où j'avais fait une overdose de déodorant. Peut-être qu'il serait alors trop tard pour moi, mais ça pourrait sauver d'autres vies .De toute façon, si c'était le prix à payer pour passer vingt ans avec Jennifer Wade, ça en valait la peine."
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Oeuf
Jerry Spinelli
Editions L'école des Loisirs
Collection Neuf
David a 9 ans et il a perdu sa mère il y a un an. Depuis, il vit avec sa grand-mère et ne voit que trop peu son père. Le jour où sa mamie le traîne de force à une chasse aux oeufs, David découvre le corps d'une fille allongée dans les bois, sous des feuilles. Le garçon pense que la jeune fille est morte et là, démarre une longue confidence, David se lâche et lui raconte sa vie et ses secrets. C'est avec horreur que quelques jours plus tard, il reconnaît la fille à la bibliothèque, elle n'est pas morte, elle est bien vivante et elle deviendra même sa meilleure amie. Primrose, c'est son prénom, vit avec sa mère dans un taudis et n'a jamais connu son père. Cette jeune fille de 13 ans, se débrouille pour vivre, manger et dormir seule. Elle va s'attacher, malgré ses dires, à David et trimbaler le jeune garçon partout avec elle.
Une amitié farouche va les unir et une série d'aventures les attend.
"Au moins une fois par soirée, David déclarait à Primrose :
_ Je ne t'aime pas.
- Pareil, lui répondait-elle."
C'est sûrement le roman le plus sombre sur les quatre que je vous présente. Le personnage principal, David et son acolyte Primrose, sont perpétuellement en colère. David déteste sa grand-mère car il refuse de voir une personne prendre la place de sa mère. Quant à Primrose, elle déteste sa mère qui n'est pas une maman "normale", pas d'histoire le soir, pas de petits plats, elle ne lui offre pas le réconfort d'un foyer aimant.
Après une série de prises de bec et coups de griffes, le dénouement est beaucoup plus apaisé et tend à montrer aux enfants que malgré les épreuves, le deuil et l'absence, la vie continue, il y a de l'espoir et surtout des gens qui vous entourent et qui vous aiment. A découvrir à partir de 9 ans.
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Stargirl
Jerry Spinelli
Editions Flammarion
Collection Tribal
Au lycée de Léo, notre narrateur, une nouvelle vient d'arriver et fait sensation.
"Ces premières semaines de septembre, elle débarqua chaque matin habillée de manière proprement scandaleuse : garçonne des années folles, squaw en peau de daim, japonaise en kimono. Un jour, elle osa même une minijupe en jean et des collants verts avec, le long d'une jambe, une ribambelle de coccinelles et de papillons en émail. Sa "normalité" à elle, c'étaient des robes ou des jupes longues, genre XIXe ! [...] C'était son rat domestique. Il l'accompagnait tous les jours au lycée. Un matin, une averse aussi violente que rare s'abatit sur la ville, pendant le cours de gym. Le prof fit rentrer tout le monde. A l'interclasse, on s'aperçut que Stargirl était rester dehors, à danser sous la pluie."
Stargirl fascine Léo et elle semble avoir eu un coup de coeur pour lui. Tous les deux vont commencer une romance inscrite sous le signe des ballades et de la discussion. Mais au lycée les choses s'enveniment et Stargirl un jour adulée, finit par être détestée par tous les élèves. Léo devra faire un choix, c'est elle ou eux...
Le message principal du roman est qu'il faut rester soi-même. L'auteur revient sur l’exclusion au lycée de ceux qui ne se conforment pas aux autres. Trop gros, trop moche, les cheveux gras, de l'acné, les oreilles décollées, trop maigre, une voix haut perchée, des vêtements sans marques, les raisons peuvent être nombreuses pour être mis à l'écart et rejetés par ses camarades. Stargirl, qui intègre un établissement scolaire pour la première fois après des années d'école à la maison, ignore les codes du groupe, fonce tête baissée et fait ce qui lui plaît, comme il lui plaît. Après un début de popularité fulgurant, tout retombe et la jeune fille découvre à travers les explications de Léo ce qu'elle aurait dû faire, ce qu'elle devrait être. Chanter et jouer du ukulélé à la cafét ? Encourager l'équipe d'un lycée adverse ? Inadmissible ! Avec justesse et émotion, l'auteur suit la longue descente et l’irréversible chute de cette élève paria. En parallèle à ces difficultés, et dans les yeux de Léo, nous lecteur la suivons dans ses bonnes actions, éblouis par l'imagination, la gentillesse et presque la sagesse de la jeune fille, nous en venons à nous dire qu'il serait bon qu'une telle personne existe réellement.
La couverture de la nouvelle édition :
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Signé Stargirl
Jerry Spinelli
Editions Flammarion
Collection Tribal
Si dans "Stargirl", c'est Léo qui avait la parole, ici la narratrice est Stargirl elle-même. Le livre fait totalement suite au premier, il démarre presque un an après alors que Stargirl se met à écrire une lettre (longue parce que sur un peu plus d'un an) à Léo. Lettre que de toutes façons elle ne pense pas lui envoyer. C'est un peu comme un journal intime sauf qu'elle s'adresse directement à Léo, le prend à témoin et parfois même invente des dialogues entre eux deux.
"Signé Stargirl" est encore meilleur que le précédent car le récit est plus vivant. Peut-être parce que Léo était le spectateur des fantaisies de Stargirl et restait passif face à sa peur de rentrer en communication avec la jeune fille, encore plus lorsqu'il fût question par la suite d'être en opposition aux autres. Alors que dans ce deuxième volume, Stargirl est actrice de sa vie.
Malgré sa douleur et sa tristesse d'avoir quitté Léo, elle continue son bonhomme de chemin et de semer la joie et la bonne humeur chez les gens. Dans ce tome, elle est sacrément entourée : Dootsie, une petite fille de 5 ans, espiègle et turbulente devient sa meilleure amie; elle rencontre et apprivoise une de ces voisines, Betty Lou, femme mûre qui reste cloîtrée chez elle pour cause d'agoraphobie; elle est souvent accompagnée par Alvira, une enfant à la limite de l'adolescence et au tempérament de feu; Perry, un garçon qui va finir par l'intriguer voire la troubler; Charlie, un vieil homme qui passe ses journées sur la tombe de sa femme; Arnold un handicapé mental qui jalonne la ville; Margie la patronne de la boutique à beignets; et toujours Cannelle, son rat.
Malgré sa douleur et sa tristesse d'avoir quitté Léo, elle continue son bonhomme de chemin et de semer la joie et la bonne humeur chez les gens. Dans ce tome, elle est sacrément entourée : Dootsie, une petite fille de 5 ans, espiègle et turbulente devient sa meilleure amie; elle rencontre et apprivoise une de ces voisines, Betty Lou, femme mûre qui reste cloîtrée chez elle pour cause d'agoraphobie; elle est souvent accompagnée par Alvira, une enfant à la limite de l'adolescence et au tempérament de feu; Perry, un garçon qui va finir par l'intriguer voire la troubler; Charlie, un vieil homme qui passe ses journées sur la tombe de sa femme; Arnold un handicapé mental qui jalonne la ville; Margie la patronne de la boutique à beignets; et toujours Cannelle, son rat.
"Oh, Léo ! Je suis triste. Je pleure. Je pleurais beaucoup, petite. Si j'écrasais un insecte, j'éclatais en sanglots. C'est drôle, j'étais tellement occupée à pleurer sur tout que je ne versais jamais une larme sur mon sort. Là, je pleure sur moi.
Sur toi.
Sur nous.
Et je souris à travers mes larmes. Tu te rappelles, la première fois que je t'ai rencontré ? A la cantine ? Je m'approchais de ta table. Tes yeux... ils ont failli m'arrêter net. Ils étaient exorbités. Je ne crois pas que cela tenait uniquement au spectacle que j'offrais - longue robe blanche de grand-mère, ukulélé sortant de mon sac à bandoulière avec un tournesol peint dessus; il y avait autre chose dans ton regard. De la terreur. Tu savais ce qui se profilait. Tu te doutais que j'allais chanter pour quelqu'un et tu étais terrorisé à l'idée que ça tombe sur toi. Tu as vite détourné la tête, j'ai poursuivi mon chemin jusqu'à ce que je déniche Alan Ferko, je lui ai chanté "Joyeux anniversaire". Mais j'ai senti tes prunelles vrillés sur moi durant toute cette pantomime, Léo. Oh oui ! Sans interruption. Et, à chaque mot que je fredonnais pour Alan Ferko, je pensais : "Un jour, je chanterai pour ce garçon aux yeux terrifiés." Je n'ai jamais chanté pour toi, Léo. Jamais vraiment. Toi, entre tous. C'est mon plus grand regret...
Tu vois, je suis de nouveau triste."
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Bilan ? J'adore le style de romans qu'écrit cet homme. Ce sont des récits lumineux et pétillants, bourrés de bons sentiments et de gentillesse. Certes, ça pourrait être à la limite du gnian-gnian, mais non en fait je ne trouve pas, car cela semble naturel et puis c'est fait avec humour et sans une complaisance trop appuyée.
D'un livre à l'autre, il y a des ressemblances, des croisements, le lecteur retrouve des éléments identiques tels que : les beignets et les donuts et les boutique de beignets/donuts qui engagent une fillette contre des gâteaux gratuits; un homme qui, chaque jour, s'installe dans une rue et fait coucou aux voitures, enfin aux gens qui sont dedans, qui passent... Et puis surtout, Jerry Spinelli peuple ses romans de personnages étonnants, de gamins impertinents et turbulents, d'hommes et de femmes excentriques, de parents cools et d'adultes qui deviennent de vrais soutiens pour les enfants (Archie, le professeur confident dans "Stargirl" et "Signé Stargirl"; John Frigo, un homme avec un handicap physique dont la demeure devient une seconde maison pour David et Primrose dans "Oeuf").
Une autre chose qui me plait je crois chez lui, c'est que l'amour, la romance, est "à la vie, à la mort", les personnages sont fidèles en amour, c'est beau et touchant.
Ce sont des romans qui font du bien à lire tout simplement.
Des histoires où les adultes ne sont pas néfastes, - ou vraiment très peu d'entre eux et pas de manière trop poussée, les inconnus ne sont pas vu comme un danger constant. Ces livres réconcilient avec le genre humain (ça me fait penser à Dootsie la petite fille de "Signé Stargirl" qui répète souvent que nous sommes des "nètrumins") et donnent envie de s'ouvrir aux autres.
Alors, il y a seulement deux autres romans de Jerry Spinelli qui ont été traduits en français, "Z comme Zinkoff" et "Misha, enfant du ghetto de Varsovie", ils sont d'ors et déjà sur ma liste d'envie, mais j'espère que d'autres de ses livres seront traduits prochainement !
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