Maryvonne Rippert
Éditions Milan
Pour échapper au centre de détention pour mineurs, Ulis doit participer au programme Marche ta peine: deux mois de randonnée à travers la France, au côté d'André, un homme bourru et taiseux, qui a remplacé à la dernière minute l'éducateur qui devait l'accompagner. Deux mois pour que le garçon réfléchisse à ce qu'il a fait.
J'adore la plume de Maryvonne Rippert dont je suis l'activité littéraire depuis plus de 10 ans. J'aime sa façon de décrire les adolescents et d'être au plus proche de leurs émotions.
Ulis a tout du beau gosse qui se la pète et que je ne supporte pas dans la vraie vie. Lui qui adore sa sœur, qui ne supporte pas la brutalité sur les animaux, est pourtant une pourriture. Une pourriture de 14 ans certes, mais une pourriture quand même. Heureusement, il rencontre plus fort que lui. Ceux qui vont le croiser durant son périple vont aller plus loin que les apparences et découvrir progressivement qui se cache derrière les airs provocants du jeune garçon. Les personnages ne sont d'ailleurs pas linéaires, ils sont faits de contradictions, et sous le coup de l'impulsion peuvent agir en décalage avec ce qui semble être leur caractère.
J'ai aimé que le point de vue ne soit pas centré exclusivement sur Ulis. Les autres regards apportent des éclairages différents au récit. C'est vraiment un récit qui n'est pas manichéen, rien n'est tout blanc ou tout noir. À chaque pièce sa face et son pile : un roux harcelé, une rousse adorée; une dévote exécrable, un curé humaniste. Attention aux âmes sensibles mais surtout aux victimes d'agressions sexuelles, sous des non-dits on sent parfois le pire et cela peut renvoyer à de mauvais cauchemars.
"Si tu n'arrives pas à penser, marche; si tu penses trop, marche; si tu penses mal, marche encore."
Cette phrase de Giono citée dans le texte résonne parfaitement avec l'histoire. C'est une phrase que je trouve personnellement très juste. Pourtant, quand on est ado, la marche est synonyme d'efforts inutiles et d'ennui. Pendant que je lisais mon cadet m'a interpellée et m'a demandé de quoi parlait mon livre. Après avoir écouté mon résumé, il s'est exclamé : "mais il ne va rien se passer dans ce roman !" Alors qu'au contraire, en deux mois de marche, sans écran, sans smartphone (ou presque), il peut s'en passer des choses : des rencontres et bien entendu des découvertes sur soi. Le rythme est ni lent ni rapide, on ne s'ennuie pas avec ce récit initiatique. C'est vraiment ce genre de livre qui devrait être étudié en 3ème ou en seconde. Plutôt qu'un énième titre classique qui tombera des mains de la majorité des élèves, ce ouvrage leur permettrait de prendre conscience de la turpitude du monde mais aussi de sa beauté. Il les ferait réfléchir, il leur parlerait, les inspirait. Et finalement, peut-être même leur donnerait-il envie de lire d'eux même certains classiques puisque le jeune héros nous fait partager ses découvertes de Saint-Saint-Exupéry, de Salinger, de Fournier, de Frison-Roche, etc.
Je vais forcément conseiller à mon grand de lire le roman. Même si ça aurait pu être lui la victime d'Ulis. Roux et avec un handicap de langage, il en a subi des railleries. Mais l'amitié qui a manqué à la victime de Marche Ta Peine, mon fils a eu la chance de l'avoir.
Ce dernier roman de Maryvonne Rippert est un beau livre sur la rédemption et la culpabilité. Une belle leçon de vie.