Un peu plus près des étoiles

Rachel Corenblit

Editions Bayard

La fille qui se trouvait en face de moi n'avait plus de visage. Mon père m'avait prévenu : si tu rencontres les patients d'ici, tu ne fais pas de commentaires, tu réagis le plus poliment possible. Tu risques d'être surpris, mais surtout tu es diplomate, tu ne montres rien à ces pauvres gens. Ils ont déjà tellement souffert. Tu vas en croiser pas mal, ici, des abîmés, des malheureux et il y a même un secteur pour les enfants et les grands ados. Hé, cache ta joie, Machin. C'est super romantique comme rencontre. Manque plus que les violons, non ? 

L'histoire commence alors que Rémi, jeune ado de presque 15 ans, et son père médecin remplaçant, qui accepte des missions partout en France et ne se fixe jamais, partent à nouveau pour un nouvel emploi et qu'ils atterrissent dans un hôpital psychiatrique. Très vite, notre solitaire héros remarque qu'un groupe de patients, composé d'enfants et d'adolescents, se rassemblent certains après-midi dans la cabane au fond du parc de l'établissement. 

Rémi est de suite attachant en nous rappelant tous ses déménagements, tous les collèges qu'il a dû fréquenter, sans arriver à se faire des amis ou à les garder suffisamment longtemps. 
Les logements de fonction de son père ne vendent pas du rêve non plus. 
Et surtout il y a ce vide entre son paternel et lui. C'est triste à l'âge de Rémi d'avoir l'impression de ne compter pour personne. Le lecteur apprendra progressivement pourquoi le lien entre le père et son fils est si fragile et ce qui hante le jeune garçon. La vérité d'un gosse de 15 ans n'est pas forcément la bonne mais ça rajoute la sensation de crédibilité et d'intimité avec notre narrateur. 
Chaque chapitre porte pour titre une chanson des années 80, L'aventurier d'Indochine, Quand la musique est bonne de Goldman... C'est d'ailleurs dans ce chapitre que l'on comprendra l’obsession de Rémi pour son walkman et ses cassettes. 
L'écriture est belle, comme un regard plein de douceur posé sur le monde et sur les gens. 
"elle avait un regard plein de malice, ses main tremblaient  un peu, et j'ai regardé ses taches qui recouvraient sa peau comme autant de traces qui contredisaient la vivacité de ses yeux." 
Le récit est une succession de tranches de vie émouvantes. On apprend à connaître les membres de ce groupe hyper soudé en même temps que Rémi. Au fil des page, les histoires de chacun se dévoilent. 
Quant à Sara, le personnage féminin de l'âge de Rémi et dont la rencontre va bouleverser sa vie, elle renverse les codes avec sa franchise et son humour à la fois noir et pince sans rire totalement désopilant. Elle se protège clairement derrière une agressivité surtout verbale et une forme d'auto-dérision.  
Très vite, on a envie de les rencontrer ces gamins fracassés par la maladie ou la vie. On se dit qu'on serait bien avec eux, bien mieux que dans le reste de notre société des apparences, comme dans un refuge. C'est ultra émouvant de les voir sur plusieurs semaines s'amadouer, s'apprivoiser. On rit, on pleure un peu aussi, bref, c'est la vie. 
"Elle nous trouvait beaux. Beaux de courage." 

À découvrir absolument.