Elle Mcnicoll
Éditions L’école des loisirs
Addie est autiste. Lorsqu’elle apprend en cours d’histoire que sa petite ville de Jupiner a persécuté, torturé et exécuté au Moyen Âge des dizaines de sorcières, elle est bouleversée. Ces femmes accusées de sorcelleries n’étaient-elles pas autistes ou neuroatypiques comme elle ? Victime de brimades en classe, Addie se sent particulièrement concernée par leur sort. Elle décide de mener campagne pour que la ville de Jupiner rende hommage à ces sorcières injustement traitées.
Comment ne pouvais-je pas être
attirée par ce roman ? Adeline, la jeune héroïne est autiste, elle souffre
sûrement du syndrome d'asperger comme mon Robin. Le récit s'ouvre sur une scène
qui m'a brisé le coeur en tant que maman d'un enfant dys car Addie n'est pas
qu'autiste apparemment, elle doit souffrir de dysgraphie. "C'est une honte
d'écrire aussi mal ! [...] je continue de scruter ma copie. Et puis, tout à
coup, elle disparaît de ma table. Mlle Murphy l'a brusquement attrapée pour la
mettre en pièces."
Encore une page de plus et j'ai refermé le livre.
Les larmes étaient déjà là, j'ai dû me faire violence pour continuer tant je
sentais que j'allais être bien trop concernée et empathique.
Je ne pense pas que mon aspie pourra lire ce
roman, ce serait trop dur pour lui qui a vécu un violent harcèlement scolaire
pendant deux années avant notre passage à l'ief. Par contre, pour des aspies
moins sensibles sur ce sujet, c'est agréable d'être plongé dans la vie d'une
autiste avec des pensées et des actions réalistes. Pour les neurotypiques et
particulièrement les enseignants, c'est également un roman que l'on ne peut que
leur conseiller. Cela permet certainement de mieux comprendre les autistes et
de se questionner sur les manières d'agir vis à vis d'eux.
La jeune héroïne a une grand soeur, Keedie, qui est
autiste elle-aussi. Cette dernière l'aide beaucoup à se comprendre et à
comprendre les autres ayant elle-même les mêmes difficultés mais plusieurs
années d'expérience et d'apprentissage de la société de plus.
C'est un récit très frustrant pour un coeur de
maman mais heureusement Adeline a de la ressource et son autisme (vive les
intérêts restreints parfois !) la pousse aussi à se dépasser et là, la suivre
devient jubilatoire.
J'ai beaucoup aimé observer les
relations familiales, elles sont si crédibles. Il y a certes le lien fort entre
Addie et Keedie et il y aussi celui que la fillette a avec la jumelle de
Keedie, Nina. Nina n'est pas autiste et elle fluctue entre jalousie du lien
entre ses soeurs porteuses du même handicap, exaspération de leurs différences
et de la gêne face aux autres quand elles ont des réactions atypiques en public
et malgré tout une envie (malgré ses maladresses) de les protéger et de prendre
soin d'elles. Le récit est brutal mais encore une fois tellement juste. Quand
je fais le bilan de toutes les agressions qu'ont subi mes fils à cause de leurs
différences, je me demande comment c'est possible que le sort se soit autant
acharné. Que Tristan ait été harcelé moralement par un instituteur au point de
vouloir mourir puis que Robin ait subi un harcèlement moral et physique de la
part d'une institutrice et des élèves pendant deux ans, et que même en
changeant d'école Tristan ait fini par être à nouveau harcelé mais par des
enfants cette fois. Dans Les Étincelles Invisibles, les filles de cette famille
ont vécu tout autant que nous. C'est rare que je me sente aussi proche de
personnages. L'autrice est autiste, j'imagine que c'est sa neurodiversité qui
permet qu'elle écrive aussi sensiblement et justement sur le sujet. Le récit se
déroule en Écosse, dans un petit village proche d'Édimbourg (qu'est-ce que
j'aimerais y retourner ! Si la bouffe est infect en Écosse, les pays sont
magiques, et j'avais adoré la capitale). Dans l'horrible cours de Mlle Murphy,
Addie apprend que des sorcières ont été tuées en grand nombre dans leur
village. La fillette va tenter d'en savoir le plus possible sur cette période
et se met en tête de rendre hommage à ces femmes injustement torturées et
noyées.
Addie fait une projection sur les sorcières. Elle comprend que si on a tué
toutes ces femmes c'est à cause de leurs différences. Des différences sûrement
très proches de la sienne.
Addie se fait une
nouvelle amie, Audrey mais encore une fois, son autisme lui met des batons dans
les roues. Elle tente alors de se faire le plus caméléon possible.
Le récit monte en
intensité au fil des pages. Finalement, ce n'est plus pour Addie que l'on
s'inquiète mais pour Keddie. Keddie qui vit si mal ses journées à l'université.
Je vais faire lire ce roman à mon
mari. D'une part, parce que ça lui permettra de nous retrouver dans les
personnages et d'autre part, car par une amusante coïncidence il y a quelques
jours il m'a interrogé sur les femmes accusées de sorcellerie. 🙃Quant à Tristan, je vais le pousser à le lire.
Multi-dys et présentant même quelques troubles autistiques, il n'est pourtant
pas souple avec son frère et je suis sans cesse obligée de lui rappeler que
Robin est autiste d'où certains de ses comportements. J'espère que cette
lecture va lui ouvrir un peu plus les yeux sur ce que ressent son petit frère.
Émouvant et très prenant. Drôle et impertinent.
Frustrant et donnant des envies de claquer certains personnages. Avec des
personnages attachants et une immense justesse. Je déteste quand
les personnages s'expriment d'une façon bien plus mature que l'âge qu'ils sont
censés avoir ou quand j'entends la voix de l'auteur plutôt que celles de ses
protagonistes. Ici, Addie correspond bien aux petites filles de 10-11 ans que
je connais et j'ai réussi à entendre la voix de chaque personnage. Le récit est
formidable jusqu'à la toute dernière ligne. Vous aurez sûrement compris rien qu'en voyant
que j'ai écrit toute une tartine, que j'ai eu un ÉNORME coup de cœur pour ce
roman. C'est
un roman lucide ! J'espère qu'il va ouvrir les yeux de ceux qui vont le lire. J'ai hâte de lire d'autres livres de l'autrice
!!
Quelques citations :
"Il y a des
gens qui sont comme des arbre. Le vent peut souffler tant et plus, ils ne
bougent pas. Ils seront toujours là." "Ils emploient des mots que ma
mère et mon père ont bannis de notre vocabulaire. Certains disent que si je
peux parler c'est que je ne suis pas vraiment autiste." "_ Elle a une
forme légère, Keddie. Comme toi. _ [...] Légère pour toi et pour tous les
sans-cœur de ce village, Nina, mais pas pour moi ! Et pas non plus pour Addie !
C'est une forme légère parce qu'on fait des efforts, et ça nous coûte beaucoup
!"
"Je
comprends maintenant pourquoi Keedie dit tout le temps :"Heureusement
qu'il y a les profs de théâtre."
"Quand tu es
internée [...], c'est comme si tu appartenais à l'État. C'est lui qui décide ce
qu'on fait de toi. Pas ta famille. Et encore moins toi."
"Les bons
libraires, comme les bons profs, sont des gens précieux."
"Ils ne
pigent pas. [...] Ce que c'est que de cacher tous les jours sa véritable
identité. De faire semblant."
"Je regarde
mes mains qui tressautent sous l'effet d'étincelles invisibles."
"Il y a
plein de façons différentes d'être autiste. Et beaucoup de gens ne le
comprennent pas."
"Qu'est-ce
qu'elles doivent s'ennuyer dans la vie ! dit Audrey. Sa remarque me fait
réfléchir. Elle a raison. Quand on est ensemble, elle et moi, on est trop
occupées à s'amuser pour dire du mal des autres."
"C'est
toujours pareil avec les adultes. Ils vous disent que le monde est dangereux,
qu'il faut se méfier des gens qu'on ne connaît pas, mais ils ne vous expliquent
jamais pourquoi. Ils disent qu'il faut avoir peur, sans jamais donner de
raison."
"_L'avantage
des grandes villes, c'est que tu peux disparaître et te montrer quand tu veux.
Si tu as envie d'être invisible, tu peux. Je la regarde en souriant. Elle ne
comprend pas. Invisible, je le suis déjà. La vraie Addie se cache derrière un
masque de conventions sociales, de règles, et de comportements étranges propres
aux neurotypiques."