Thiên An ou la grande traversée : Du Vietnam à Paris XIIIe
Valentine Goby
Ronan Badel
Editions Autrement
Thiên An vit à Paris, avec une partie de sa famille : son oncle, sa tante et leurs enfants, ainsi que son père et sa soeur. Il ne lui manque que sa mère et ses frères restés au Vietnam.
Lorsque son professeur leur donne comme sujet de rédaction "Racontez une grande épreuve physique", Thiên An décide de raconter leur évasion du Vietnam, deux ans auparavant. Le jeune garçon crée des passerelles entre les pays et va amener les lecteurs du Vietnam jusqu'à Paris XIIIe, tiraillé entre la peur et l'angoisse pour sa mère, qui va entreprendre le même voyage qu'eux, et l'espoir d'un futur meilleur où ils seraient tous ensemble réunis.
"Cette foutue rédaction m’empêche de dormir. Aucune nouvelle de maman et tous les soirs ce devoir qui me rappelle comme il est facile de mourir."
Ce roman est un coup de coeur, d'ailleurs je l'ai déjà lu deux fois. Je m'attendais à un récit extérieur, presque lointain, j'ai découvert un roman actuel, un style simple, beau et surtout un texte qui sonne très juste.
J'ai trouvé que ce texte était un très belle ouverture aux autres. L'étranger, celui qu'on ne connait pas, est plus que dans d'autres livres, ressenti ici comme identique à soi-même. Malgré l'époque différente, et le parcours de vie difficile, on sent avant tout l'enfant derrière les mots de l'auteur, et nos jeunes lecteurs d'aujourd'hui arriveront à s'identifier et seront touchés par cette aventure. Education, nourriture, fêtes, c'est également une porte ouverte sur une culture vietnamienne.
"Le "je" n'existe pas dans ma langue, on est toujours le petit frère ou le grand frère de quelqu'un, seul on est personne."
L'histoire est poignante mais les allers-retours du passé au présent permettent d'adoucir la peine ressentie en lisant leurs vies d'avant, et la douloureuse perte subie lors de la traversée en mer. Touchant mais pas pesant, l'auteure sait dire les difficultés, les blessures de la vie, par exemple celles liées à la guerre du Vietnam et au régime communiste, sans alourdir son récit. Son texte réaliste et très bien mené, amène le jeune lecteur à réfléchir. Valentine Goby a une plume juste et sensible, j'aurais voulu poursuivre un bout de chemin en compagnie de son attachant narrateur et de sa famille. Ce roman m'a donné envie de découvrir d'autres livres de l'auteure, et surtout d'autres titres de la collection "Français d'ailleurs".
"Thiên An ou la grande traversée" avait été préalablement publié en grand format, tirage désormais épuisé, et vient d'être réédité en format poche. C'est également le cas de "Le cahier de Leïla : De l'Algérie à Billancourt".
Outre la belle couverture, de délicats croquis de Ronan Badel illustrent le roman, au fil des pages.