mercredi 16 mars 2022

HANA THIERRY, LES HIRONDELLES ET AUTRES NOMS D’OISEAUX

Touria Arab-Leblondel

Éditions Milan  

"Je m'appelle Hana, Hana Thierry.
Dit comme ça, on ne sait pas trop d'où je viens. Hana, ça fait prénom du monde, universel, un truc sans origine et facile à prononcer. [...] Thierry, c'est bien français, pas besoin de m'expliquer. Au collège, on m'appelle même Hana Babtou. Mon nom est bien blanc, mais moi je suis brune, j'ai le cheveu frisé, crépu même. Le teint basané. Une Arabe, quoi. Ni mon prénom ni mon nom ne le gommeront."

Née d'un couple franco-marocain, Hana, qui a grandi dans une banlieue plutôt favorisée, au sein d'une famille de classe moyenne, éduquée, laïque, se retrouve au collège dans la ville d'à côté, au coeur du quartier des Hirondelles. Un collège de REP+, dans lequel elle découvre la misère, les drames de l'exil, les élèves indisciplinés, la prégnance de la religion, mais où, surtout, elle découvre des amis formidables, des histoires de vie incroyables, une énergie communicative, des profs engagés et passionnants. Où, en définitive, elle ouvre les yeux sur le monde.
Et dans cet entre-deux où Hana navigue, entre le Maroc et la France, entre son nom et son apparence, entre la culture de sa famille et celle de son collège, entre ce que les gens projettent sur elle et ce qu'elle est au fond, Hana découvre l'espace exact pour devenir une jeune fille épanouie.

Un très joli roman qui aborde de très nombreux sujets forts et sensibles. On sourit beaucoup en découvrant Hana et les autres jeunes élèves du collège François-Mitterrand.

J'ai été un peu attristée de constater que tout aller un peu trop vite. Le roman est court, il aurait clairement mérité de faire 100 pages de plus voire d'être divisé en plusieurs tomes. C'est mon seul regret concernant cette histoire, que le premier saut temporel intervienne si vite dans le récit (on passe de la préparation de la rentrée de sixième à celle de quatrième en 30 pages) et que les héros ne bénéficient pas d'un traitement à part avec leur tome attitré. Sinon le roman est très agréable à lire. C'est frais, actuel, il y a beaucoup de dialogues, et de langage parlé. Cette importance donnée à l'oralité rend le texte très vivant.

C'est surtout à travers leurs travaux en classe et les échanges entre élèves que l'on en apprend plus sur l'héroïne et ses amis. L'exil, les réfugiés, l'identité, la mixité, font partie des thèmes principaux. Le deuil, qui est impliqué parfois dans des départs et l'espoir d'une vie meilleure ailleurs, est lui aussi évoqué. (encore une fois, certains protagonistes mériteraient un tome à eux seuls). Avec ses sujets d'actualité et les évènements actuels, cette sortie n'est pas à rater pour nos jeunes lecteurs. Mon loulou ne connait pas le collège en étant en ief mais je vais lui faire lire le roman. Il ne se sentira pas personnellement concerné par les questionnements d'Hana sur son identité mais j'espère que le regard de l'autrice sur des ados au sein d'un établissement de RER+ va l'embarquer et lui donner à réfléchir. Pas la peine d'être toujours personnellement concerné pour se sentir impliqué dans nos lectures, n'est-ce pas ? Le passage du voyage scolaire dans la forêt de Chambord lui rappela par contre des souvenirs ! C'est un endroit que l'on connait bien pour y être allé plusieurs fois en vacances. Et le soir venu, nous avons même pu, comme les élèves, écouter le brame du cerf ! Moment assez épique du récit qui amène encore de nouvelles problématiques. Je ne vais pas vous déballer pour le livre mais un autre moment fort, et important pour nos chères têtes blondes, brunes, rousses, c'est lorsqu'il est question de l'intérêt de lire de tout et surtout de se forger son propre avis. Développer le sens critique des lecteurs fait d'ailleurs partie des ambitions de l'autrice. Elle offre souvent différents points de vue, sans que l'on sente de parti pris, afin de laisser à ses jeunes lecteurs l'opportunité de choisir (et puis Angers aussi, on connaît ! On avait beaucoup aimé le château). Enfin, au travers de cette sortie pédagogique, d'autres aspects sociétaux sont mis en avant : le respect de la nature, le réchauffement climatique, et plus généralement la peur du futur. Ça fait beaucoup de thèmes dans un même roman ! Si j'aurais préféré que chacun soit développé en un tome, nos jeunes lecteurs ont l'avantage d'avoir une lecture rythmée et sans temps mort, alors même qu'il ne s'agit que d'une histoire ancrée dans la réalité et sur une bande d'ados. Avec toutes les références et malgré un langage vivant, le récit n'est pas simpliste, et je le conseille plutôt à partir de 11 ans (10 selon l'éditeur mais selon les enfants, ce sera un poil trop tôt).

C'est un peu un Cathy Cassidy mais dans une version française. On y retrouve la même fraîcheur, des touches d'humour, des jeunes ados qui se cherchent et qui évoluent, et des tas de thèmes forts.

Avertissement : il est aussi question de scarification. Vu l'angle abordé, je ne le conseillerai pas pour les jeunes qui se sont fait du mal ces dernières années ni à leur fratrie. Il est aussi question de phobie scolaire. Il aurait été très agréable que chacun des personnages qui regroupent particulièrement un des sujets sensibles soit l'objet d'un tome. Dans Hana Thierry, les hirondelles et autres noms d'oiseaux, ça fait beaucoup de sujets sensibles dans un même petit roman et ils sont donc un peu survolés.

 


Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...