samedi 3 octobre 2015

La porte de la salle de bain

La porte de la salle de bain
Sandrine Beau
Editions Talents Hauts
"J'attendais mes seins avec impatience. C'est à partir des p'tits oeufs au plat que tout s'est déglingué. Comme s'ils s'étaient passé le mot pour gâcher ma joie toute nouvelle. Ça a commencé dans le bus. C'est là que j'ai vu le regard des hommes changer. Enfin de certains hommes... Ceux-là, ils ne se gênaient pas pour me regarder. Ou plutôt pour me regarder directement dans les seins. Pas gênés ! Tranquilles. Je détestais ça. "

Au départ, ça commence en douceur et avec des sourires pour le lecteur puisque Mia nous parle de puberté, de ses seins qui commencent à pousser, et des changements progressifs qu'elle ressent en elle. Mia a une vie plutôt agréable. Sa mère s'est remise récemment d'une dépression, par contre elle bosse beaucoup. Son ptit frère est un petit rayon de soleil à lui tout seul. A la maison, traîne le dernier amoureux de la maman, Lloyd, celui par qui elle dit s'en être sortie. Il y a Maminette aussi qui s'occupe si bien de ses petits enfants, et voit d'un oeil mauvais le nouvel amoureux, squatteur, profiteur et glandeur sur les bords. Mais pour les enfants, tout roule jusqu'à lors, Lloyd est plutôt drôle et  n'hésite pas à partir dans des délires pour les faire rire. Puis tout s'enchaîne. Une coïncidence ? Non. Des actes qui deviennent de plus en plus délibérés et malsains. Pour Mia, de la honte, du mal-être, le bonheur de grandir gâché par cet homme aux pensées tordues. 
"J'avais l'impression de ne plus rien comprendre, de ne plus être sur la même planète que les autres. Dans ma tête, il n'y avait plus que la salle de bain, la salle de bain, la salle de bain..."
De la culpabilité aussi, Mia n'a pas envie d'en parler à sa mère, de lui casser son rêve de famille unie puisque pour cette dernière, Lloyd est celui qui l'a sauvée. 
La dépression, la puberté, et la pédophilie, voilà 3 thèmes forts rassemblés dans un seul roman. 
La relation entre Mia et sa grand-mère est très belle, très forte. Elle est essentielle au récit puisqu'il s'agit de la personne en qui Mia a confiance et a décidé de se confier. C'est donc la grand-mère qui va permettre de mettre fin aux violences. 
Ce roman fait partie des indispensables pour moi. Dur en tant que parents de parler régulièrement de pédophilie tout en arrivant à ne pas trop les angoisser, et finalement je ne suis pas certaine que les enfants comprennent bien de quoi il retourne. Ici, l'auteure met des mots sur des actes interdits et des regards qui n'ont pas lieu d'être, elle insiste aussi sur cette nécessité de parler à tout prix de ce qui arrive. S'ouvrir à un adulte est indispensable pour sortir du cauchemar, il est primordial que les enfants intègrent cette notion, ce récit est un bon moyen pour leur faire passer ce message.
Le lecteur est entraîné dans la spirale infernale que vit Mia, mal au ventre, échec scolaire, la peur sourde s'installe, la jeune héroïne est emportée vers le fond, le lecteur se rongeant les ongles face à la tension du récit, s'angoissant du pire à venir. Mais l'auteur s'arrête avant ce pire, ce qu'a vécu Mia est bien suffisant pour traumatiser qui que ce soit, épargnant suffisamment les lecteurs et permettant une lecture par les plus jeunes également. L'épilogue est là comme une renaissance, parce que même quand le pire s'est produit, on peut grandir, ne plus être une petite fille sans défense, et avoir un jour des papillons dans le ventre nous aussi...
A noter, la jolie dédicace de l'auteur qui ouvre le livre parce qu'il est important de rappeler qu'il n'y a pas que les filles qui peuvent être concernées. 
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